L'étrange ballet du Trocadéro
Non, ce n'est pas du tai-chi ni de la danse moderne. Ces touristes se livrent, sur l'esplanade du Trocadéro, à un rituel photographique : à l'intention des amis, de la famille ou de la postérité, ils se saisissent délicatement de la tour Eiffel, sertie dans son écrin de ciel pur, en jouant sur la perspective. Que celui qui n'a jamais, ainsi, repoussé la tour de Pise ou fait un bisou à la Petite Sirène de Copenhague leur jette la première pierre ! Mais, pour l'originalité, on est loin du compte... L'examen du phénomène permet de dégager trois observations :
1 - Aucun touriste ne regarde vraiment la tour Eiffel. Que ce soit au travers de l'oculaire d'un reflex (numérique ou argentique), d'un compact de toute marque, de toute couleur, ou de l'écran d'un téléphone portable, chacun a besoin d'interposer, entre l'œil et le monument, un machin qui fait des photos.
2 - On ne vient pas du monde entier pour photographier la tour Eiffel mais pour se faire photographier devant elle (remplacer, à volonté, "tour Eiffel" par Big Ben, Taj Mahal, chutes du Niagara, Fuji Yama, etc.). Le numérique permet d'admirer le résultat sans attendre, en tournant le dos au sujet, lequel n'a plus qu'un intérêt relatif, une fois qu'il est en boîte. Le plaisir induit se vérifie à la mine épanouie des intéressés. Mais ils sont souvent si charmants, parfois touchants, qu'on leur pardonne volontiers ce petit accès de narcissisme.
3 - Si la Ville de Paris, propriétaire du site, taxait toutes ces photos, on pourrait supprimer les impôts locaux de l'ensemble des habitants de l'Ile-de-France. D'autres y ont déjà pensé : c'est ainsi que le bimillénaire pont du Gard, autrefois passage d'une route départementale et patrimoine de l'humanité, a été encerclé de telle manière qu'on ne puisse plus l'apercevoir sans franchir une barrière de péage digne de celle de Saint-Arnoult. Heureusement, l'idée paraît difficilement adaptable à la tour Eiffel. Sinon...
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Et après l'effort...
... le réconfort.